ENTRETIEN. La Russie fantôme de la photographe Maria Passer au Havre
Le parcours « Are you experiencing ? » expose jusqu’au 30 avril, 42 photographes dans une trentaine de lieux de la Cité Océane. L’invitée d’honneur est une jeune photographe russe.
Propos recueillis par Natalie DESSE. Publié le 01/04/2022 à 18h27
Maria Passer est une photographe moscovite de 27 ans, invitée d’honneur du parcours photographique « Are you experiencing » au Havre ?
Vous avez sillonné plus de 30 pays et près de la moitié des régions de Russie, de Kaliningrad à l’ouest à Sakhalin, à l’Est. Comment vous définissez-vous ? Journaliste ou photographe ?
Avant tout, je suis une voyageuse, depuis l’âge de 19-20 ans. Avec mon premier appareil, j’ai commencé à prendre des photos pour moi, puis j’ai eu envie de partager ce que je voyais, ce que ne pouvaient pas voir les gens. Je grimpais sur les toits des immeubles, sur des éoliennes. Sans doute le prélude à l’utilisation des drones auxquels j’ai souvent recours. J’ai finalement combiné les métiers de journaliste et de photographe en satisfaisant mon goût pour les voyages.
Vous explorez des lieux lointains, abandonnés ou interdits. Qu’est-ce qui vous inspire, dans ces immeubles abandonnés de villes minières, figés dans la neige, ou dans cette zone militaire interdite… ?
Je suis d’abord frappée par la beauté de ces lieux, qui étaient somme toute banals quand ils étaient encore vivants. Pour moi, ces usines délabrées sont plus intéressantes et donnent plus à voir que des usines qui tournent à plein régime. Mais une belle photo peut raconter une histoire triste, comme celle de la ville minière de Vorkuta. Dans les années 30, les travailleurs étaient les détenus d’un goulag, et quand les puits ont peu à peu fermé, dans les années 90, la cité où la température peut atteindre – 50 degrés en hiver, s’est progressivement vidée de ses habitants.
Vous photographiez des lieux interdits, comme Pripyat, où se logeaient les employés de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
Quand ma mère m’a parlé de Tchernobyl pour la première fois, j’étais une gamine. J’ai été fascinée et tout de suite su que j’irais là-bas. Devenue photographe, j’ai eu très envie de visiter cette zone d’exclusion dont certains endroits seulement sont ouverts aux visiteurs accompagnés d’un guide officiel et équipés pour surveiller le niveau de radioactivité.
Entrer à l’intérieur des bâtiments est interdit mais ces endroits, où l’on trouve encore des objets de la vie quotidienne, sont visités par des stalkers, ces explorateurs illégaux qui s’y cachent durant quelques jours, pour récréer la vie d’avant. J’y suis, moi aussi, entrée illégalement, j’ai marché pendant 40 km, un détecteur de radioactivité autour du cou. Les arbres devenus rouges juste après la catastrophe avaient été coupés et enfouis dans la terre, mais j’ai traversé des zones où mon détecteur s’est parfois affolé. Et j’ai découvert ces paysages à l’abandon et ces mises en scène des stalkers.
Hommes et femmes ne sont pas souvent présents dans vos photographies…
C’est vrai. Je suis intéressée par la trace qu’ils y ont laissée. Mais, hommes et femmes m’intéressent ! Regardez les photos faites de cette population hors du temps sur la presqu’île de Yamal, un territoire de 120 000 km2, où le gaz de Gasprom coule à flots. Ils se déplacent à longueur d’année pour que leurs rennes puissent trouver à manger. Aidés par la société gazière et le gouvernement, ils gardent le mode de vie rude et ancestral, même si certains rejoignent nos temps modernes.
Quels sont vos projets ?
Je ne sais pas quand je rentrerai en Russie. De nombreux jeunes n’acceptent pas la guerre et sont effrayés par ce qui se passe en Ukraine, même si nous ne nous sentons pas responsables. Ils partent en Turquie, Arménie ou Géorgie. Après Le Havre, je vais rester à l’étranger, pour aider à l’accueil des réfugiés dans un pays proche de la frontière de l’Ukraine, en Slovaquie, ou en Biélorussie. Je peux y être utile, en autres comme interprète.
« J’aime mon pays même si en ce moment il fait du mal » plaide Maria Passer, photographe russe qui expose au Havre
La jeune photographe moscovite est l’invitée d’honneur de la 15e édition de « Are you experiencing ». Un événement phare du Havre qui présente, chaque année, le travail de professionnels dans différents lieux de la ville.
Véronique Dalmaz France Télévisions Rédaction Culture Publié le 02/04/2022 19:21 Mis à jour le 02/04/2022 20:04 Temps de lecture : 1 min.
Are you experiencing a été créé en 2007. Cette année, 42 photographes exposent leurs œuvres un peu partout dans la ville, dans des galeries d’art, lieux culturels ou cafés. Malgré la guerre en Ukraine, Maria Passer a tout mis en œuvre pour honorer son invitation.FTR
Présente malgré le conflit
Venir en France n’a pas été chose aisée pour la jeune femme. Pour arriver jusqu’au Havre, elle a quitté Moscou mi-février et a passé plusieurs semaines en Arménie avant de trouver un billet d’avion. « Je suis allée en Géorgie et j’ai pris un vol pour Istanbul, puis pour la France » raconte Maria Passer qui ajoute être « très fière et heureuse » d’être ici pour sa première exposition à l’étranger.
La jeune photographe de 27 ans qui a travaillé pour The Times, The Sun, The Daily Mail, CNN et d’autres médias internationaux a été invitée, il y a un an, par les organisateurs de la manifestation. Bien avant que la Russie décide d’envahir l’Ukraine. Un conflit qui ne les a pas fait changer d’avis. Bien au contraire car les photographies de Maria Passer montrent les lieux oubliés de la Russie de Poutine. « Pour moi, c’est un témoignage. Ce sont des photos factuelles. Ce qui est intéressant, c’est que Maria a deux points de vue : au sol et aérien car elle utilise beaucoup de drones. Ce qui donne une dimension complètement différente aux lieux géographiques » rapporte Charles Maslard, président de Are you experiencing.
Usines et mines abandonnées
Des bâtiments figés par la froid, des immeubles et des usines désaffectés. Maria Passer a parcouru son pays, dès l’âge de 19 ans, à la recherche de sites délaissés pour les immortaliser avec son objectif. « Un lieu abandonné peut-être magnifique, l’architecture aussi. C’est ma vision personnelle de la beauté » explique la jeune femme. Voyageuse dans l’âme, Maria Passer a sillonné plus de 30 pays et la moitié des régions de Russie. Ses photographies sont devenues célèbres après qu’elle ait visité Vorkuta, un centre minier russe moribond. « J’aime mon pays. Je voudrais que les gens voient à quel point il est immense et beau, même si en ce moment il fait du mal » conclut-elle. Les clichés de Maria Passer sont visibles à la Galerie La Glacière.
Are you experiencing. Expositions à voir du 1er au 30 avril 2022 au Havre, entrées gratuites. Voir les commentaires
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Né en 1959, après une formation BTS photo à l’Ecole Nationale Louis Lumière, Jean-Michel Leligny est devenu photographe indépendant et journaliste. Dans ces derniers travaux, il associe photographie et écriture sous différentes formes visuelles, pour rendre compte de notre rapport au monde, s’interrogeant sur notre environnement, le temps qui passe, la féminité. Que ce soit pour QUARANTE, (travail sur les femmes de 40 ans en cours) ou « Tentation de disparition », il se sert de son histoire personnelle pour y puiser une histoire universelle qui interroge les rapports entre l’homme et la nature dans une approche poétique où le verbe tient une place toute particulière. « A l’époque des smartphones, des disques durs saturés d’images, que reste-t-il à photographier sinon notre âme ? »
2°20, LA FRANCE PAR LE MILIEU
2°20 est la longitude du méridien de Paris. Il traverse la France en son milieu, de Dunkerque jusqu’à la frontière espagnole. Ce méridien était autrefois la référence des navigateurs français, et a servi à la détermination du mètre-étalon. Il a été abandonné comme base de mesure universelle au profit du méridien de Greenwich en 1884. Pour commémorer le nouveau millénaire, il est devenu “Méridienne Verte”. Il traverse 8 régions, 20 départements et 337 communes, part de la mer pour arriver en montagne. C’est une ligne idéale pour rendre compte de ce qu’est la France aujourd’hui. C’est ainsi que l’espace d’un été, je suis devenu photographe cycliste, à la rencontre de cette France du milieu. Un voyage de près de 1800 km sur cet axe Nord-Sud pour se confronter à un monde réel, sans fard, en toute simplicité, pour partir à la rencontre d’une France que l’on ne connaît plus, loin des cartes postales et des représentations médiatiques. J’ai choisi de photographier la France ordinaire, la France des petits riens, une France banale, sans à priori. Pourquoi le vélo ? Il est à la fois l’éloge de la lenteur et un moyen écologique de se déplacer. Si notre société nous oblige à « produire » et à vivre de plus en plus rapidement, jusqu’à la frénésie, les photographies de 2°20 se présentent comme des espaces de pause. Lorsque l’on est sur son vélo, on n’est plus photographe, mais avant tout un voyageur qui ressent dans sa chair, dans ses muscles, le froid, le chaud, la pluie, le vent, le relief, la douleur, l’usure des kilomètres. Il y a une confrontation physique avec la géographie, le relief, le climat… L’effort et la lenteur permettent de porter un regard différent. Ce mode déplacement, non agressif, permet la rencontre. Le cycliste devient vite sujet de curiosité, même si au départ, ce sont toujours les mêmes questions qui surgissent. D’où venez-vous, où allez-vous ? Au final, les mêmes que dans la vie : Quel est votre parcours, quels sont vos projets ? Il faut prendre un peu de temps pour échapper à cette vision réductrice de l’être humain, pour découvrir sa richesse par d’autres détours… L’ensemble du travail est réalisé au moyen format selon un protocole établi. Rouler et photographier chaque jour, quelle que soit l’envie, l’inspiration, comme un travail répétitif, une ascèse. Une seule prise de vue à chaque fois, réalisée sur trépied. Des prises de vue frontales, des personnages photographiés de face, comme s’ils étaient spectateurs du vélo qui passe, sans aucune mise en scène, un peu comme une photo de famille.
Insignifiance d’un art nombriliste et dérisoire, avec humour. Et grandeur. Le pop-art de mon enfance m’a appris à faire grand, coloré, tape-à-l’œil. J’occupe l’espace. Ce travail, timidement commencé en 2018, a pris de l’altitude au cours des mois d’enfermement que nous avons connus. La quasi-totalité des photos ont été prises chez moi, dans un périmètre très restreint, et au cours d’une ou deux sorties entre les confinements. Chaque image a son histoire.
Cette exposition prolonge un travail photographiques et infographique commencé en 2005 : « Intuitive earth » « Errances Googleliennes ». Vadrouille poétique dans les images satellites avec un écran en guise d’appareil de photo. Exploration de la fusion entre le regard du photographe et la sensualité du peintre. Le pinceau se ballade dans les images photographiées un peu comme nos grand-mères brodaient sur des toiles pré-imprimées. Et si la terre pouvait encore émerveiller par sa capacité à ne pas être celle qu’on croit… ?
Horaires mardi – mercredi – jeudi – vendredi – samedi 9h30 à 12h30 et 14h à 19h
Patrick Braoudé est acteur et cinéaste. On lui doit de nombreux films à la mise en scène, comme Génial mes parents divorcent (1990), Neuf Mois (1993), Amour et Confusions (1996), Deuxième Vie (1999), Iznogoud (2005). Il fait de la photographie depuis son adolescence, mais s’est décidé à exposer ses photos depuis 2013 à l’occasion du festival de Villerville.
IMPRESSIONS INTEMPORELLES Il nous présente des photos avec un fort aspect pictural, sans retouche, qui s’amusent à donner l’illusion de tableaux, sur un mode «impressionniste » tout en conservant l’instantané de la photographie… des effets obtenus à la prise de vue, sans travail d’ordinateur… « De l’Impressionnisme Numérique » a dit avec amitié Claude Lelouch lors de l’exposition de Deauville… avec une touche d’intemporalité. Des photographies simples du bonheur au quotidien. « Comme cinéaste qui aime regarder ses contemporains, j’aime prendre du temps à observer la plage : groupes d’amis se retrouvant pour un moment d’amitié, familles en quête de détente, couples d’amoureux venus s’isoler, solitaires en réflexion… Mes photos sont des instantanés de ces vies « espionnées ». Des personnages souvent de dos, parfois masqués, ou en contre-jour… des êtres flous, des ombres chinoises, des « fantômes », parfois même juste des tâches de couleurs… Avec cette lumière particulière de la Normandie qui donne à la mer ses teintes étonnantes, du gris vert au bleu de Prusse, au sable ce jaune d’une douceur rare, aux parasols et accessoires de plage colorés leur éclat ensoleillé… Quelques photos… comme le story-board d’un film.
ART HOTEL – du 1 avril au 30 avril. 147 rue Louis Brindeau, Le Havre Horaires lundi – mardi – mercredi – jeudi – vendredi – samedi – dimanche 10h à 12h30 et14h 30 à 19h
J’ai toujours adoré faire de la photo. Toute gamine, je faisais des tirages avec mon frère aîné, dans la cave familiale. Je découvrais alors la magie du cliché qui apparaît sur le papier blanc, dans la pénombre et la lumière rouge. Mon premier reflex, c’était en 1981, un Olympus OM10, pour mon premier grand voyage, le Pérou. Et depuis lors, j’ai pu lier mes deux principales passions, les voyages et la photo. En parcourant le monde pendant 35 ans. Cela fait maintenant une dizaine d’années que je m’intéresse à quelque chose de plus abstrait, de plus personnel. Une recherche esthétique, à travers des taches de couleur, de lumière, des flous, du mouvement, bref des reflets. Cela m’apporte une grande liberté, m’ouvre les portes d’un univers très vaste où j’aime me perdre…
RÉFLEXIONS À LH
Le Covid, en me coupant les ailes, m’a forcée à me recentrer sur ma ville natale, à la regarder différemment, à la parcourir de la même manière que si elle m’était étrangère, si elle était lointaine et pleine de mystères, cette ville où j’ai grandi… Le travail que je présente a donc été réalisé récemment au Havre, sur les planches de la plage, le bassin Vauban, le port de plaisance ou devant le musée Malraux.
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